Selon le dernier sondage réalisé début novembre par le cabinet d’études et de conseil Elabe pour le compte de l’Association française du rail (AFRA), les Français ne sont que 54 % à se déclarer satisfaits du transport ferroviaire dans leur région, 45 % se disant « pas vraiment » ou même « pas du tout » satisfaits.
Et l’insatisfaction est d’autant plus élevée (50 %) que l’on interroge les populations des zones rurales qui s’inquiètent pour leur desserte de proximité. Insatisfaction majoritaire aussi en Normandie (59 %) où, souligne le député socialiste du Calvados Philippe Duron, « le TGV ne passe pas et où le service sur des lignes comme Paris-Granville ou Paris-Le Havre est dégradé ». Il en va de même en PACA (58 % d’insatisfaits), où les conflits sociaux sont fréquents. À l’inverse, dans les régions bien desservies par le train, la satisfaction est bien meilleure (de 59 à 66 %) comme dans les Pays de Loire, la Bretagne, le Nord-Picardie et le Grand Est.
Les bénéfices de l’ouverture s’affirment
Autre enseignement : quatre Français sur cinq (79 %) considèrent que la concurrence dans le ferroviaire est « une bonne chose ». En termes de préférence politique, les sympathisants de droite sont certes les plus favorables à l’ouverture (à 87 %), mais plus des deux tiers (68 %) des partisans de gauche le sont également.
Ce qui fait dire à Bernard Sananès, président d’Elabe, que « l’adhésion à l’ouverture n’est plus idéologique ».
Autre constat du président d’Elabe, « il n’y a pas corrélation entre satisfaction et préférence pour l’ouverture ».De fait, des régions très insatisfaites de la qualité de service et de l’offre ferroviaire sont favorables à la concurrence, comme la Normandie (à 90 %) ; mais des régions plus satisfaites que d’autres, comme la Bretagne et les Pays de Loire, plébiscitent elles aussi la concurrence (à 84-85 %). Selon Bernard Sananès, « le choix de l’ouverture est fondé sur des bénéfices attendus ».
L’expérimentation comme hypothèse
Dès sa publication, l’enquête d’Elabe a fait réagir plusieurs élus français de la majorité et de l’opposition, fortement impliqués dans la politique des transports. « Toute opposition du Gouvernement à la concurrence ne pourra pas tenir bien longtemps, on y viendra obligatoirement dans les Régions », constate Dominique Bussereau, député « Les Républicains » et président du conseil départemental de Charente-Maritime. Il préconise ainsi de commencer « par des expérimentations sur les trains Intercités ».
Affirmant que « l’offre de transport touristique n’est quasiment pas prise en compte en France », Joël Giraud, député de Radical des Hautes-Alpes, suggère pour sa part « de mettre en œuvre une expérimentation de la concurrence sur plusieurs lignes de trains de nuit dont l’organisation est défaillante ».
Ces expérimentations sont également prônées par Hervé Mariton, député « Les Républicains » de la Drôme, pour qui « les Intercités et les trains de nuit souffrent d’un problème de plages horaires et de fréquences ». S’orienter vers la concurrence apparaît de plus en plus comme une nécessité. « Nous sommes arrivés au bout d’une logique », affirme ainsi Philippe Duron en observant que « la situation financière du système ferroviaire devient intenable ».
Une mobilisation nécessaire des partis politiques
Louis Nègre, sénateur des Alpes-Maritimes et conseiller transport auprès de Christian Estrosi pour les élections régionales en PACA, se dit peu surpris du résultat du sondage et rappelle l’un des slogans de l’une des associations d’usagers mécontents, qui promeut la règle des 3A, pour « Assis », « À l’heure », « Averti ». « N’est-ce pas le service a minima attendu d’un service public ? » s’interroge encore le président du Gart.
Pour autant, les experts politiques du secteur ferroviaire sont conscients que le chemin qui conduira à l’ouverture du transport ferroviaire en France demande une mobilisation des partis politiques. À l’exception de Virginie Calmels en Aquitaine et Christian Estrosi en PACA « aucun candidat aux élections régionales ne s’est encore engagé en faveur de la concurrence » déplore Hervé Mariton. Une réticence que Joël Giraud impute « à un défaut de culture du cahier des charges » qui, ailleurs en Europe, est à la base des obligations de service public que les autorités organisatrices de transport imposent aux opérateurs alternatifs comme à l’opérateur historique.
Constatant la volonté de nombreux responsables régionaux d’expérimenter la concurrence, le président de la commission Voyageurs de l’AFRA, Claude Steinmetz, n’en affirme pas moins sa conviction avec force : « Il est temps d’agir. Avançons comme d’autres pays d’Europe l’ont fait. »