Comment analysez-vous la situation du transport ferroviaire en France ?
Notre système ferroviaire est en situation de contrainte financière majeure puisqu’il doit massivement recourir à un argent public devenu rare. Le défi est donc de préserver l’existence du secteur en trouvant les moyens de le rendre plus efficace. L’objectif essentiel des opérateurs alternatifs est de développer le transport ferroviaire pour permettre aux régions d’éviter la fermeture de nombreuses lignes secondaires. Nous disons : avant de fermer une ligne, donnons-lui sa chance ! 20 années d’expériences en Europe nous montrent que l’ouverture à la concurrence a engendré à la fois une baisse des charges pour les Régions, une hausse des recettes et une augmentation de l’offre. Si l’on réussit à optimiser les moyens, par exemple en faisant davantage rouler les trains, on amortit mieux le matériel et, avec les économies dégagées, on peut réinvestir dans une offre supplémentaire qui, en matière de transports publics, crée la demande. L’expérience de Transdev comme opérateur ferroviaire régional en France (citons la ligne Carhaix-Guingamp-Paimpol en Bretagne, le tram-train de Mulhouse ou le Rhônexpress entre Lyon et son aéroport) illustre ce qui précède. Sans CFTA à Carhaix, l’alternative aurait été de fermer la ligne et de lui substituer des autocars. Partout, nous avons démontré la pertinence de notre modèle d’organisation en matière de sécurité, de qualité des relations sociales, de satisfaction des passagers (à 95%) et des autorités locales. J’ajoute que l’entrée de nouveaux opérateurs ne se fait pas au détriment de l’opérateur historique. Regardez l’Allemagne : le marché régional est ouvert à 40%, les privés en gèrent 25%. La Deutsche Bahn remporte aujourd’hui des appels d’offres car elle est de nouveau compétitive. L’ouverture débouche sur l’élargissement de l’offre ferroviaire globale. Tout le monde y gagne : passagers, collectivités locales, opérateurs.
Face aux pouvoirs publics, quelle est la position des opérateurs alternatifs ?
Il faut permettre des expérimentations car l’ouverture à la concurrence implique un apprentissage. La délégation de service public (DSP) est un mode de gestion efficace qui conduit à plus de transparence, à l’amélioration du rapport qualité-prix et qui pousse les opérateurs à se remettre en cause tous les 5 ou 7 ans, à chaque renouvellement de contrat. Cette efficacité a été largement prouvée en matière de transports urbains où 80% des réseaux sont en DSP, sans que l’opinion publique ni les personnels n’y trouve rien à redire. Ce n’est donc pas elle qui fait obstacle à l’ouverture des transports régionaux de voyageurs. Les exécutifs régionaux en sont conscients. Maintenant, le problème est d’être le premier à franchir le pas des expériences-pilotes. Chacun s’observe… C’est la raison pour laquelle les opérateurs alternatifs souhaiteraient que la réforme ferroviaire en cours soit plus volontariste en matière d’ouverture et permette les expérimentations. Ce serait un signal propre à débloquer la situation. Vous savez, on entend souvent dire que les opérateurs privés ne sont intéressés que par les lignes dites rentables. Ce n’est pas vrai. Nous sommes prêts à opérer toutes les lignes et nous améliorerons leurs économies au bénéfice des collectivités locales.
Comment s’engage le processus de négociation sociale ?
Il y a eu une première réunion, le 20 décembre, des partenaires sociaux (entreprises et syndicats) dans le cadre de l’Union des transports publics (UTP). Le chantier, c’est la négociation d’une convention collective pour l’ensemble du secteur qui montrera que la profession entend écarter tout « dumping social ». Nous sommes d’accord sur le principe d’une convention unique. Quitte à traiter spécifiquement, à l’intérieur de cette convention, des aspects particuliers à tel ou tel type d’activité ferroviaire. Tout cela est sur la table. N’oublions pas qu’une convention collective est un cadre qui laisse ensuite toute latitude pour négocier des accords d’entreprises ayant notamment vocation à aborder des sujets tels que l’organisation du travail. Donc, il y aura trois niveaux de règles : un décret-socle définissant les règles de bases propres à garantir la sécurité ferroviaire ; la convention collective que nous devons négocier, qui traitera tous les aspects ayant trait au temps de travail, à la protection sociale, à la formation professionnelle… et enfin les accords d’entreprises. Ce sera un processus de plusieurs mois… prochain rendez-vous le 4 février.