De nouvelles perspectives pour sa sauvegarde et son entretien

1 avril 2015 | Actualités du ferroviaire

Depuis deux ans, les opérateurs alternatifs se sont emparés du réseau capillaire. Et de nombreux opérateurs ferroviaires de proximité (OFP) et prestataires gestionnaires d’infrastructures (PGI) portuaires ont vu le jour, créant une dynamique territoriale sans précédent sur le réseau capillaire.

L’an dernier, les 7 OFP opérationnels ont transporté quelque 3 800 tonnes.kilomètre de marchandises, pour un chiffre d’affaires en hausse de 30 % par rapport à 2013. Ce succès s’explique aisément par le besoin croissant des industriels de disposer de lignes dédiées au fret. Constitué de voies courtes et peu fréquentées, le réseau capillaire représente 3 200 kilomètres ouverts à la circulation.

Ces lignes secondaires constituent un élément structurant du rail : 20 % du fret en France part ou arrive sur ces petites lignes, soit quelque 18 millions de tonnes de fret transportées chaque année, dont 7,7 millions de produits agricoles et 6,9 millions de produits d’extraction.

Des lignes menacées de fermeture

Ce réseau essentiel à l’aménagement du territoire est pourtant menacé. Il est vieillissant au point même d’être déclassé sur certains tronçons. Dans son dernier diagnostic réalisé en novembre dernier, SNCF Réseau fait état d’une situation alarmante : sur les 900 kilomètres de ligne accueillant plus d’un train par semaine (28 % du réseau utile), le gestionnaire d’infrastructure envisage d’en fermer 440, faute de réhabilitation des voies. Or, « 90 % des 18 millions de tonnes de fret transportées chaque année restent concentrées sur ces 900 kilomètres de lignes », remarque André Thinières, délégué général d’Objectif OFP. L’investissement représenterait au total entre 44 et 132 millions d’euros, selon les estimations de coûts de rénovation avancés par les experts.

Mais l’État considère aujourd’hui que SNCF Réseau n’a plus les moyens de rénover et d’entretenir les lignes déficitaires à faible trafic. Confronté à une dette colossale de 36,78 milliards d’euros à fin 2014, SNCF Réseau doit se concentrer sur les lignes les plus rentables. La priorité est donnée par le gouvernement de Manuel Valls à la modernisation du réseau structurant, notamment en Ile-de-France, une région qui concentre 40 % des circulations ferroviaires nationales et 70 % des voyageurs quotidiens. Un budget de rénovation de 4,9 milliards d’euros y sera consacré en 2015.

Certes, le gouvernement, lors de la Conférence environnementale de novembre 2014, a décidé d’un effort pour la sauvegarde du réseau capillaire et des voies de raccordement des ports et plateformes multimodales. Mais l’investissement, assuré par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFTIF), ne dépassera pas 30 millions d’euros et, de plus, sera étalé sur trois ans (2015-2017).

Au regard des enjeux territoriaux, la fermeture des lignes capillaires affaiblirait le trafic sur l’ensemble du réseau ferroviaire. L’AFRA a calculé qu’en moyenne, 1 t.km transportée sur le réseau capillaire génère 10 t.km sur le réseau principal. Le réseau capillaire a la particularité de connecter au réseau principal des activités liées aux territoires : céréales, carrières, bois, eaux de source. « Nous disposons de deux nœuds ferroviaires importants à Dijon où transitent, chaque année, environ 1,4 million de tonnes de céréales acheminées par voies capillaires depuis les 70 silos situés en Bourgogne et en Champagne. 60 000 tonnes de céréales transportées correspondent à un train, voire un train et demi par semaine » explique le président d’Europorte.

Conscient de l’importance des enjeux, le secrétaire d’État aux Transports, Alain Vidalies, a invité, en décembre dernier, les acteurs locaux et régionaux à se mobiliser pour le maintien de ces lignes dont « la nature » pourrait évoluer « en fonction de ce que voudront les Régions (…) dans le cadre de leur compétence économique ». « Le sort de ces lignes sera sans doute tranché au cas par cas, en fonction de la mobilisation des entreprises clientes et des collectivités locales » a-t-il précisé. De plus, la loi du 4 août 2014 sur la réforme ferroviaire, complétée par un décret publié le 10 février 2015, prévoit que SNCF Réseau peut désormais confier la rénovation et la maintenance des lignes capillaires à des tiers.

Deux solutions s’offrent : opérer le transfert à des tiers en conservant ou sortant ces lignes du périmètre du réseau ferré national. Dans le second cas, il apparaît urgent à l’AFRA de sortir de la réglementation actuelle « afin de créer un nouveau référentiel de maintenance et une nouvelle réglementation de gestion des lignes adaptée à l’économie locale ».

Les coûts des péages, de rénovation et d’entretien des voies posent question

La reconquête du fret ferroviaire sur le réseau capillaire pose la question des péages, des coûts de rénovation et d’entretien des voies. Actuellement, la redevance payée par l’entreprise ferroviaire (hors compensation fret par l’État) sur les lignes principales de RFN est, en moyenne, de 2 euros du kilomètre et s’élève à 0,55 euro du kilomètre sur le réseau capillaire. Concernant les coûts de rénovation, SNCF Réseau se base sur les référentiels de rénovation et de maintenance rail-voie-ballast dont le coût est compris entre 300 000 et 400 000 euros du kilomètre (hors ouvrage d’art) tandis que la maintenance revient de 5 000 à 10 000 euros par km et par an selon le niveau des travaux de renouvellement réalisés. Pourtant, en Allemagne, les entreprises ferroviaires ont prouvé qu’un budget annuel de 4 000 à 5 000 euros était largement suffisant pour l’entretien de lignes accueillant 2 à 3 trains par jour.

Pour les opérateurs alternatifs, la rénovation et la maintenance doivent être adaptées à un trafic à faible vitesse. Une telle initiative participera directement à la maîtrise de coûts du gestionnaire d’infrastructure.

Adapter le modèle en fonction de l’économie des territoires

Aujourd’hui, l’heure est donc à la concertation. L’État, SNCF Réseau, les collectivités territoriales, les ports, les chargeurs, les logisticiens, les entreprises ferroviaires, doivent travailler de concert pour trouver un nouveau modèle adapté à l’économie locale. D’ores et déjà, 7 lignes capillaires sont en cours d’expérimentation, sur la base d’une réglementation simplifiée. L’exemple d’Agen/Bon-Encontre-Auch est intéressant : sous l’impulsion du secrétaire d’État aux Transports, un tour de table a été constitué avec l’ensemble des acteurs concernés pour sauvegarder cette ligne de 64 kilomètres, essentiellement dédiée au transport de céréales (70 à 100 trains par an, soit 90 000 à 130 000 tonnes transportées).

Les questions juridiques, techniques et financières ont été réglées pour adopter des référentiels aux caractéristiques des circulations fret. Afin d’assurer la campagne céréalière 2014-2015 sur le rail, SNCF Réseau a débuté, en juin dernier, les travaux nécessaires. Une enveloppe de 1,2 million d’euros est prévue à cet effet. Ce n’est bien sûr qu’un début. Pour en assurer la pérennisation, l’investissement s’élève à quelque 15 millions d’euros.

Les collectivités publiques mobilisées

Le sujet relève aussi des Régions, et il est suivi par les organismes consulaires. Les régions se disent prêtes à étudier le financement de certaines lignes du réseau capillaire dont la rénovation est essentielle pour le tissu industriel local. À l’instar de la ligne ferroviaire entre Bassens et le Bec-d’Ambès, la région Aquitaine et les chargeurs ont accepté de financer la rénovation de la ligne de la rive droite de la Garonne.

Le 16 décembre dernier, l’AFITF a ainsi approuvé l’attribution d’un fonds de concours à̀ l’État de 6 millions d’euros pour la réfection de cette ligne de 25 kilomètres qui dessert notamment des sites pétroliers. Déjà, les opérateurs alternatifs comme Europorte ou Colas Rail manifestent leur intérêt pour ces projets de rénovation, d’entretien et d’exploitation des voies capillaires portuaires.

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