Anne-Laure Noat, Associée au sein du cabinet de conseil Eurogroup consulting

27 mars 2012 | Actualités du ferroviaire

Comment peut-on caractériser la situation actuelle du fret ferroviaire en Europe ?

S’il fallait rĂ©sumer d’un seul mot la situation du fret ferroviaire dans les sept pays reprĂ©sentatifs de l’Union europĂ©enne – Allemagne, Autriche, Belgique, Finlande, France, Portugal, SuĂšde – que nous avons Ă©tudiĂ©s, je dirais qu’elle est paradoxale. En effet, mĂȘme si le constat peut varier d’un pays Ă  l’autre, nous enregistrons globalement depuis une dizaine d’annĂ©es une certaine stagnation du volume des marchandises transportĂ©es par le fer qui s’accompagne d’une diminution rĂ©guliĂšre de sa part modale au profit de la route. On estime qu’elle se situe actuellement aux environs de 10% seulement du tonnage total des marchandises transportĂ©es dans l’ensemble de l’Union europĂ©enne.
Mais, en mĂȘme temps, il me semble que nous pouvons ĂȘtre relativement optimistes pour l’avenir. Car il existe actuellement un certain nombre de facteurs favorables Ă  une relance du fret ferroviaire en Europe. Tout d’abord, l’ouverture Ă  la concurrence dans ce secteur et l’arrivĂ©e rĂ©cente d’un certain nombre de nouveaux entrants contribuent aujourd’hui sans aucun doute Ă  redynamiser ce marchĂ©. Ensuite, les chargeurs (et leurs commissionnaires) que nous avons interrogĂ©s Ă  l’occasion de cette Ă©tude, dans la grande distribution notamment, se disent tout Ă  fait ouverts Ă  l’idĂ©e de « mettre ou de remettre sur le rail » une part des marchandises dont ils doivent assurer l’acheminement. Enfin, dans tous les pays europĂ©ens, les pouvoirs publics, nationaux ou communautaires, ont clairement affirmĂ© leur volontĂ© de favoriser, pour des raisons Ă©conomiques et environnementales Ă©videntes, l’accĂ©lĂ©ration d’un tel mouvement. En fait, le fret ferroviaire connaĂźt aujourd’hui en Europe une phase de transition qui devrait normalement dĂ©boucher assez vite sur un retournement de la tendance observĂ©e au cours des derniĂšres annĂ©es.

Les différents acteurs du fret ferroviaire partagent-ils votre point de vue ?

Evidemment, comme dans toutes les enquĂȘtes qualitatives, les conclusions de nos travaux doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©es avec une trĂšs grande prudence. Toutefois, il me semble possible d’affirmer que l’engagement des nouveaux entrants dans le fret ferroviaire se traduit depuis quelque temps dĂ©jĂ  par une diversification de l’offre qui commence Ă  attirer de nouveaux clients. C’est le cas tout d’abord des clients industriels traditionnels qui peuvent bĂ©nĂ©ficier ainsi d’une souplesse commerciale qui manque souvent dans leurs relations avec les opĂ©rateurs historiques. Mais c’est aussi le cas des fournisseurs de la grande distribution qui peuvent trouver dans le transport ferroviaire des conditions Ă©conomiques de coĂ»t et de sĂ©curitĂ© d’acheminement souvent aussi favorables que dans le transport routier. Sans oublier le respect de certaines exigences environnementales auxquelles les fabricants et les acheteurs de produits de grande consommation sont de plus en plus sensibles

Quelles sont vos préconisations pour accélérer un tel mouvement de relance du fret ferroviaire en Europe ?

L’avenir du fret ferroviaire ne se trouve pas dans un chemin tout tracĂ© et il n’existe certainement pas de modĂšle idĂ©al. Toutefois il me semble possible de tirer un certain nombre d’enseignements de l’expĂ©rience des pays europĂ©ens oĂč la part modale du fret ferroviaire a marquĂ© une tendance rĂ©elle Ă  la hausse au cours des derniĂšres annĂ©es. Il s’agit essentiellement de l’Allemagne et de l’Autriche. Dans ces deux pays, on observe tout d’abord que le rĂŽle des diffĂ©rents acteurs concernĂ©s – gestionnaire d’infrastructure, opĂ©rateurs, chargeurs, commissionnaires et pouvoirs publics – a Ă©voluĂ© rĂ©cemment dans le sens d’une clarification et d’une spĂ©cialisation fortes. Mais surtout on note que le transport ferroviaire des marchandises s’y inscrit dans le cadre d’une offre multimodale qui permet d’organiser aisĂ©ment des complĂ©mentaritĂ©s avec le transport routier et d’offrir Ă  la clientĂšle une palette de services rĂ©pondant davantage Ă  la diversitĂ© de ses besoins logistiques. Enfin, on assiste dans ces pays Ă  un net dĂ©veloppement de la massification des flux grĂące Ă  l’existence d’un rĂ©seau important d’opĂ©rateurs ferroviaires de proximitĂ©. Ce qui veut dire, en rĂ©sumĂ©, qu’au-delĂ  des actions concrĂštes visant Ă  faire davantage de place au ferroviaire dans la chaĂźne logistique du fret, c’est avant tout un Ă©tat d’esprit nouveau, plus collectif, qui devrait animer l’ensemble des acteurs concernĂ©s.

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