Quelles sont les perspectives de la longue distance ferroviaire en Allemagne ?
La division longue distance de la Deutsche Bahn gère à la fois les trains à grande vitesse ICE (InterCity Express) qui circulent entre 230 à 330 km/heure et les trains IC (InterCity) à 200 km/heure. ICE et IC ne sont pas des services conventionnés car ils sont tous les deux fournis en open access. Les IC font appel à un modèle bien différent des trains d’équilibre du territoire (TET) français. Nous avons annoncé en mars 2015 un grand plan de développement de la longue distance prévoyant 12 milliards d’euros d’investissement d’ici à 2030. Ce plan sera financé totalement par la Deutsche Bahn au prix d’un cash flow qui restera négatif pendant plusieurs années. Face à la concurrence croissante de l’aérien low cost et des bus longue distance, il nous fallait réagir. Nous avions une alternative: Réduire l’offre ou choisir au contraire de la développer de manière plus ambitieuse. Notre objectif est de passer de 130 à 180 millions le nombre de voyageurs annuels sur les grandes lignes allemandes en augmentant notre flotte d’ICE et en mettant en service des nouveaux trains IC (InterCity). 150 trajets réalisés actuellement par IC seront intégrés au réseau ICE. Les coûts d’exploitation des nouveaux trains ICE et IC mis en service devront être maitrisés en s’appuyant sur des technologies simples. Quant aux ICE, ils relieront à grande vitesse toutes les métropoles allemandes et permettront, par exemple, de mettre Berlin à 4 heures de Munich (contre 6 aujourd’hui) grâce à la nouvelle infrastructure actuellement en construction. Notre objectif est de concurrencer surtout l’aérien et l’automobile.
Comment voyez-vous s’organiser la concurrence entre trains et bus longue distance ?
Cette concurrence des bus est arrivée en Allemagne en 2013 et, avouons-le, son ampleur nous a surpris. Il faut bien accepter le fait que les voyageurs, notamment les jeunes, veulent se déplacer à des prix très réduits. Même si nos billets promotionnels à 29 € sur toute l’Allemagne ont connu un grand succès, ils semblent ne plus satisfaire cette clientèle. Mais, cet engouement pour le bus, ne repose pas que sur des tarifs attractifs. C’est aussi une question de style de vie et d’exigence technologique pour les jeunes qui souhaitent notamment un accès au Wifi. Par ailleurs certains bus relient des villes qui ne sont accessibles directement par le train. Nous essayons de répondre aux attentes en multipliant notamment les liaisons directes des ICE entre les métropoles. D’autre part, en augmentant le nombre d’arrêt pour les trains InterCity, tout en améliorant les connexions. Néanmoins, la DB entend développer son activité bus longue distance. Elle occupe la deuxième position avec 15% du marché, derrière MeinFernbus – qui vient de fusionner avec Flixbus (70% du marché). Postbus, la filiale de la poste allemande est le troisième opérateur. Coté rail notre ambition est d’acquérir une part de marché plus grande. Je pense surtout qu’il va nous falloir abaisser notre prix d’entrée de marché et offrir certain trajets en train longue distance à 19 €. Nous allons également travailler sur notre offre commerciale pour rendre notamment plus attrayantes les cartes de fidélité (Bahn Card) pour les jeunes, et offrir le wifi dans tous les trains ICE.
Quel est le futur de votre activité grande vitesse en Europe ?
Le marché de la grande vitesse implique des coûts élevés. Notre souci est de contrôler nos coûts ce qui est pour le moment n’est pas facilité par l’arrivée du système ERTMS (système de signalisation unifié)! Nous examinons s’il y a des opportunités d’affaires. Pour le moment nous sommes toujours dans l’attente du nouveau matériel roulant ICE Siemens qui devrait être livré à partir de l’année 2017. Dans ce secteur, c’est difficile d’être rentable. Tant que le coût d’accès (y compris le coût du matériel roulant) sera aussi élevé, je ne vois pas la concurrence se développer significativement dans la grande vitesse. Nous faisons face aujourd’hui à la concurrence de Thalys sur Bruxelles-Cologne et de HKX sur Hambourg-Cologne. L’Allemagne est ouverte à la concurrence, mais celle-ci est difficile en raison des investissements très élevés. Regardez en Italie, ce n’est pas facile pour NTV. Il peut y avoir des lignes où cela fonctionne mieux, par exemple en République tchèque où trois compagnies (La compagnie publique CD, Regiojet et Leo-Express) sont en concurrence sur la ligne Prague-Ostrava. Mais en Pologne par exemple, les nouveaux services entre Cracovie et Varsovie, n’ont pas de succès pour le moment. Pour que soient réunies les conditions d’une concurrence profitable en open access, il faut développer le marché. A cet égard, notre filiale commune avec la SNCF, Alleo a constitué une bonne expérience pour développer le marché transfrontalier. Nous avons l’intention de reconduire l’accord de coopération avec la SNCF jusqu’à la fin 2020 et nous allons faire passer en 2016 les liaisons quotidiennes de 9 à 11 trains sur Paris-Stuttgart et Paris-Francfort avec une réduction du temps de trajet. Cela dit, pour développer ce type de marché, il faut de nombreuses années.