Remis le 26 mai 2015, le rapport Duron sur l’avenir des Trains d’Equilibre du Territoire (TET) préconisait des expérimentations d’ouverture à la concurrence portant, dans un premier temps, sur les trains de nuits. Mais, en présentant le 7 juillet la « feuille de route du gouvernement pour un nouvel avenir des TET », le secrétaire d’Etat aux transports Alain Vidalies n’a finalement pas retenu les propositions – pourtant minimales – de Philippe Duron à cet égard et a soigneusement évité, dans sa déclaration devant la presse, la moindre allusion à la question de l’ouverture à la concurrence qu’impose pourtant le règlement européen OSP 1370 à partir de 2019.
Interrogé toutefois sur ce point, Alain Vidalies a simplement précisé que « l’ouverture à la concurrence n’était pas un choix, mais un horizon » et qu’elle restait conditionnée « par l’adoption du volet politique du 4ème paquet ferroviaire européen ainsi que par l’harmonisation des conditions sociales applicables à l’ensemble du secteur ferroviaire français ». En d’autres termes, même si la concurrence est inéluctable, le gouvernement refuse de s’y préparer dès maintenant et choisit de n’aborder la question des TET que sur la base de l ‘élaboration d’une nouvelle convention entre l’Etat et SNCF Mobilités.
Cette convention sera conclue pour une période de cinq ans commençant le 1er janvier 2016 même si, parallèlement, une nouvelle mission est confiée au préfet François Philizot qui réfléchira, dans la prolongation de la mission Duron II, à la nouvelle gouvernance du système TET. Le préfet rendra ses conclusions d’ici à mai 2016. Par ailleurs, le secrétaire d’Etat annonce la création d’un conseil consultatif des TET qu’il présidera et qui réunira les présidents de région, deux parlementaires et deux représentants des usagers. L’objectif est d’adapter le service aux nouvelles habitudes de mobilités en définissant un modèle économique soutenable, notamment pour les trains de nuit. En pratique, seul l’avenir des lignes de jour dites « structurantes » et de deux lignes de nuit qualifiées d’ « indiscutables » par Alain Vidalies (Paris- Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol) est garanti dans sa gouvernance actuelle avec un Etat consacré comme « autorité organisatrice de plein exercice ». La SNCF conservera donc dans sa convention les deux trains de nuit mentionnés. Mais il n’est pas sûr que les élus locaux soient satisfaits de cette option du gouvernement, sachant que, face à la concurrence du transport à bas coût, les opérateurs historiques en Europe ont tendance à abandonner l’exploitation de ces trains. La SNCF a depuis longtemps délaissé ce marché sur le plan commercial et marketing. Et ce n’est pas un hasard si aucun investissement dans le matériel roulant n’est prévu pour ces deux lignes de nuit.
Pour toutes les autres lignes, la nouvelle convention « devra tirer toutes les conséquences de la baisse de fréquentation » (- 20% depuis 2011 avec un déficit de l’activité TET de 330 millions en 2014 et qui devrait atteindre 450 millions en 2016 en l’absence de mesures correctrices).
En clair, la perspective pour un grand nombre de lignes TET est celle d’une fermeture (notamment quand il y a doublon avec des lignes TGV ou qu’il existe des « alternatives de mobilités ») ou d’une prise en charge partielle ou totale de leur financement par les régions. Dans de nombreux cas, cela aboutira aux transferts des passagers vers la route, que ce soit vers des liaisons en autocar dont la loi Macron vient de libéraliser la circulation, par l’accroissement du recours au co-voiturage ou, tout simplement, par le recours au transport automobile individuel. Cela ne peut déboucher que sur une augmentation de l’empreinte carbone du transport, ce qui constitue un mauvais signal alors que Paris accueille en décembre 2015 la conférence des Nations Unies sur le changement climatique.
Pour enrayer la dégradation de la qualité du service, le gouvernement vient certes de s’engager sur le renouvellement du matériel roulant pour l’ensemble des lignes structurantes TET d’ici à 2025. A cet effet, Alain Vidalies a annoncé des investissements de 1,5 milliards d’euros financés par l’Agence de financement des infrastructures de transport ferroviaire (AFITF), un montant qui viendrait s’ajouter aux 510 millions d’euros déjà engagés. Mais les modalités de ce financement supplémentaire restent à définir et rien ne sera mis en place avant la mi-2016, en dépit de la dégradation rapide de la qualité du service. Quant à la modernisation du réseau, Alain Vidalies s’est contenté de rappeler que les contrats de plan Etat-Régions prévoient d’y consacrer 2 milliards d’euros entre 2015 et 2020.
Rien n’est donc réglé en ce qui concerne l’avenir des TET. Et comme le soulignait le communiqué de l’AFRA publié le jour même de l’intervention du secrétaire d’Etat, « les décisions prises (…) ne permettront pas de remédier avec efficacité à la dégradation de l’offre ferroviaire sur le territoire national. Elles n’éviteront pas le déclin du rail alors que se développe une forte concurrence intermodale ».
L’Association française du rail n’en confirme pas moins la mobilisation des opérateurs alternatifs. Les entreprises ferroviaires sont prêtes à partager avec les autorités organisatrices de transport de voyageurs leur expérience du ferroviaire et à proposer un nouveau modèle économique qui a fait ses preuves en Europe. Un modèle qui concilie à la fois maîtrise des dépenses publiques et prise en compte des préoccupations locales de mobilité.