Quelles sont les activités de Transdev en Europe et en France ?
En 2014, notre chiffre d’affaires s’est élevé à 6,6 milliards d’€, 75% réalisés en Europe, notamment en Allemagne, en Suède et aux Pays-Bas. En France, où nous employons 35.000 personnes (sur un total de 85.000 pour le groupe), le CA atteint 2,5 milliards d’€ dont un milliard est généré par nos activités dans les transports interurbains et scolaires. Le transport ferroviaire représente 10% de notre activité globale, principalement en Allemagne et en Suède puisque ce secteur n’est pas ouvert à la concurrence en France. Toutefois, en Bretagne, par l’intermédiaire de notre filiale CFTA, nous exploitons depuis très longtemps (et pour le compte de la SNCF), les services ferroviaires régionaux de Guingamp à Paimpol et de Guingamp à Carhaix. L’expérience est instructive car nous opérons dans le cadre du réseau TER sous l’autorité de la Région Bretagne. Cette ligne aurait certainement été fermée sans la gestion appropriée de CFTA, la polyvalence de son personnel, la réactivité de ses managers et l’attractivité de son offre.
En ce qui concerne l’Europe, le redressement du groupe piloté depuis trois ans par Jean-Marc Janaillac (réorientation stratégique, désendettement, sortie de la SNCM) nous a permis de limiter à la Belgique et aux pays de l’Est les cessions d’actifs envisagées en 2012. En effet, il eût été contre-productif de céder notre activité en Allemagne qui est notre vitrine européenne en matière de savoir-faire et d’expertise ferroviaire. Nous opérons Outre-Rhin 6% du transport ferroviaire régional, nous assurons 45 millions de trains.km à l’année et transportons 90 millions de passagers par an. Transdev milite auprès des Länder pour qu’ils financent le matériel roulant, ce qui nous permet de soutenir dans des conditions équilibrées la compétition. A cette question du matériel roulant que nous essayons d’intégrer dans le 4ème paquet ferroviaire, s’ajoute celle de la compétition entre les modes de transport depuis que l’autocar a été complètement libéralisé en Allemagne. Dans ce contexte, une exploitation en « open access » comme celle de notre filiale InterConnex s’avère difficile en termes de rentabilité.
Aux Pays-Bas en revanche, on constate un durcissement du marché ferroviaire : la tendance est de favoriser systématiquement, par le format des appels d’offres, l’opérateur national.
Comment analysez-vous l’attitude des pouvoirs publics et des partis politiques vis-à-vis du ferroviaire en France ?
Mon expérience au cabinet de la présidente du conseil régional de Rhône-Alpes entre 1999 et 2004 m’a permis de vivre en direct la négociation des premières conventions entre la Région et la SNCF concernant les TER. Il s’agissait à l’époque de sauver économiquement cette activité. Le partenariat qui a été mis en place a permis d’améliorer la qualité du service et d’accroître la fréquentation des TER. Malheureusement, la performance globale du système n’a pas été améliorée et le coût d’exploitation des services TER a connu une inflation non-maîtrisée (+ 90% entre 2002 et 2012 selon les chiffres de l’ARF). Résultat, ce que j’appelle « l’attrition ferroviaire » est déjà à l’œuvre : on réduit les services, on ferme les gares, on transforme certaines lignes en service d’autocars… En réalité, on ne peut enrayer l’inflation ferroviaire sans le levier de l’ouverture à la concurrence.
Plusieurs audits réalisés dans d’autres régions ont montré que les coûts d’exploitation peuvent être diminués d’au moins 20% en faisant appel à de nouveaux opérateurs. Le benchmark entre la France et l’Allemagne où le marché régional est ouvert souligne également l’intérêt pour les collectivités de soumettre à la concurrence l’opérateur historique (10 euros le train.km dans les contrats Transdev en Allemagne, plus de 20 euros en moyenne en France).
La maîtrise des coûts du TER sera l’un des enjeux majeurs des nouveaux exécutifs régionaux. Ils doivent remettre le ferroviaire au cœur des priorités s’ils veulent lutter contre un sentiment d’abandon des zones rurales générateur de tant de votes de protestation. On peut d’autant plus faire sauter la contrainte qu’ont les régions de contractualiser avec la SNCF que l’opinion publique, toutes tendances politiques confondues, est désormais largement favorable à l’ouverture à la concurrence comme le montre le dernier sondage Elabe réalisé à la demande de l’AFRA (78% y sont favorables). En outre, l’enquête TDIE (association Transport Développement Intermodalité, Environnement) montre qu’une très large majorité de candidats aux élections régionales est prête à l’ouverture. Enfin, les contraintes financières sont telles que le changement va s’imposer car en France on a toujours tendance à ne réformer que « le dos au mur ». Cela dit, les opérateurs alternatifs sont bien conscients que l’on ne peut aller plus loin avant d’avoir mis en place un nouveau cadre social dont la conclusion doit intervenir à la mi-2016.
Vos attentes sur le ferroviaire sont donc fortes pour 2016 ?
2016 sera effectivement une année de dialogue et de diagnostic. Et nous sommes prêts à contribuer à toutes les réflexions sur les thèmes liés à l’intermodalité. Après les élections régionales, les Français attendent une évolution des pratiques politiques et une meilleure efficacité des actions publiques.
Si on peut envisager des initiatives favorables aux expérimentations dès 2016, je pense que cela concernera d’abord les lignes Intercités sous responsabilité de l’Etat, une fois achevée la remise à plat de l’offre ferroviaire que le préfet François Philizot doit conduire avec les Régions. Ensuite, au fur et à mesure que viendront à échéance les diverses conventions SNCF-Régions, on pourra ouvrir à la concurrence certaines lignes ou lots de lignes TER. Ce qui supposera sans doute une pleine clarification du rôle des Régions en tant qu’autorités organisatrices de transport, notamment en matière de propriété du matériel et de liberté dans le choix du mode de gestion. Je regrette que la réforme ferroviaire de 2014 n’ait pas clarifié ces points pour l’avenir du ferroviaire régional en France. Quelle que soit la date butoir de l’obligation d’ouverture retenue à l’issue des négociations actuelles sur le 4ème paquet ferroviaire, la France doit abandonner sa stratégie « ligne Maginot ». On ne peut vouloir sauver le ferroviaire en France et promouvoir le report modal à l’issue de la COP 21 tout en maintenant le système actuel dans une dérive mortifère, tant pour le rail que pour la SNCF qui désormais investit dans le covoiturage et l’autocar.
En ce qui concerne Transdev, nous confirmerons nos offres de services tant vis-à-vis de l’Etat pour sauver les lignes TET que des Régions pour améliorer la performance du TER au service de l’intérêt général.