Le gouvernement renonce à la desserte Dourges-Tarnos pour des raisons économiques et environnementales. Il privilégie désormais un projet franco-espagnol.
Le gouvernement a tranché. L'autoroute ferroviaire Atlantique reliant Dourges (Pas-de-Calais) à Tarnos (Landes) ne verra pas le jour. A la surprise générale, le secrétaire d’Etat aux Transports, Alain Vidalies, a en effet annoncé le 30 avril dernier sur radio France Bleu Gascogne : L'Etat « ne va pas signer ce contrat pour la mise en œuvre de l'autoroute ferroviaire ». En cause, « l'équilibre total de ce dossier (qui) a amené à constater qu'il y avait des conséquences pour les populations, que ce projet n'était pas financièrement équilibré, (et) qu'il y avait un gros risque pour l'Etat ». Selon le secrétaire d’Etat aux Transports, « le gouvernement considère que l'idée était bonne mais le site (pour le terminal principal, ndlr) était très mal choisi ». Et que ce dossier comportait « une fragilité juridique du dossier très importante, à savoir la question d'impact sur la population qui n'a pas été suffisamment étudié par l'enquête publique ». Présenté jusque-là comme une concrétisation de la transition énergétique, ce projet devait permettre le transport de 85.000 poids lourds par an. Le contrat de concession entre l'Etat et VIIA Atlantique (filiale de l’opérateur historique), avait même été signé le 20 mars 2014. Sur ce point, le secrétariat d'Etat aux Transports a indiqué qu'il s'agit d'un avant-contrat, auquel aucune indemnité n'était liée. Dans le cas de l'annulation, par le tribunal administratif, d'un contrat définitivement conclu, « l'indemnité à la charge de l'Etat (serait) de 175 millions d'euros », a toutefois précisé Alain Vidalies, élu des Landes.
Un coût trop élevé pour l’Etat et pour SNCF Réseau
Cette décision « prise en accord avec le Premier ministre » Manuel Valls, traduit la volonté du gouvernement de recentrer ses priorités sur des projets viables économiquement. L'ouverture de l'autoroute ferroviaire Atlantique « avait reçu un avis négatif du conseil général de l'investissement, qui est un organisme d'Etat, et qui constatait que ce projet supposait 375 millions d'euros de financement public, principalement de l'Etat et de Réseau ferré de France », le gestionnaire d'infrastructures, devenu SNCF Réseau, a confirmé Alain Vidalies. Le conseil général de l'investissement avait en effet « relevé que ce projet présentait une rentabilité négative », a-t-il insisté, en évoquant « la nécessité de réaliser des travaux bien en amont de Tarnos, en particulier sur la zone Nord Aquitaine ». En juillet dernier, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) avait également rendu un avis défavorable sur ce projet, estimant que cette desserte, structurellement déficitaire, impliquait un effort financier de SNCF Réseau de 208 millions d’euros pour adapter le réseau ferré aux spécificités des wagons commandés à la société alsacienne Lohr pour l’autoroute ferroviaire Atlantique. Ce projet, estime l’ARAF, ne fait qu’alourdir la dette de SNCF Réseau qui « n’a déjà pas assez d’argent pour subventionner le fret ferroviaire ».
Cette décision du gouvernement ne peut que satisfaire les opérateurs ferroviaires privés. L’AFRA soulignait en effet dans sa lettre du mois de mars « le niveau trop élevé de l’investissement engagé pour le nombre de camions transportés ». Des investissements, qui selon l’Association n’étaient « pas justifiés au regard des enjeux stratégiques pour la sauvegarde du fret ferroviaire, tels que la réduction des compensations financières aux sillons fret et le peu de moyens financiers accordés aux travaux de rénovation du réseau capillaire ».
Un nouveau projet d'autoroute ferroviaire entre la France et l'Espagne
« Alors que le gouvernement se targue de l'exemplarité de la France à quelques mois de la (conférence climat) COP21, la Ministre de l'Écologie et de l'Énergie doit absolument revenir sur cette décision pour honorer ses engagements et faire du report modal vers le transport ferroviaire une priorité », a réagi dans un communiqué Lorelei Limousin, responsable des politiques transports climat du Réseau action climat France.« Cette annonce porte une nouvelle fois atteinte à la crédibilité de la parole de la France auprès de ses partenaires européens dans le domaine des transports », a déclaré dans un communiqué Frédéric Cuvillier, député PS du Pas-de-Calais et ancien ministre des Transports.
Le gouvernement n’a pas abandonné l’idée de créer un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées pour favoriser le report modal de la route vers le rail. Il réfléchit à un projet d'autoroute ferroviaire entre la France et l'Espagne, avec un terminal dans le Pays basque espagnol. « Notre objectif est de trouver un autre site (pour le terminal), en priorité en engageant immédiatement des pourparlers avec les autorités espagnoles puisqu'il est apparu qu'il existe un projet similaire à Vitoria (au Pays basque espagnol, ndlr) », a confirmé Alain Vidalies à l’AFP. Celui-ci doit rencontrer son homologue espagnole Ana Pastor pour, dit-il « débattre avec elle de ce projet et de son calendrier ».
Actuellement, deux autoroutes ferroviaires sont : Bettembourg (Luxembourg)-Le Boulou (Pyrénées-Orientales), qui a vu son trafic croître de 9% entre le premier semestre 2012 et le premier semestre 2013 et a transporté 55.000 poids lourds en 2012, et l’Alpine, qui franchit les Alpes et transporte environ 25.000 poids lourds par an.