Par les caractéristiques techniques de sa signalisation, la ligne internationale Perpignan-Figueras est sous utilisée par les trains de fret. Le gestionnaire d’infrastructure TP Ferro est en dépôt de bilan. Un gâchis financier dû au manque de réalisme politique.
En signant un accord le 31 juillet dernier pour la création d’une autoroute ferroviaire vers le Nord, le port de Barcelone et le gouvernement catalan affirment leurs ambitions de devenir le premier grand port en Europe du Sud. L’autorité portuaire de Barcelone s’est en effet engagée à aménager un terminal dédié au transport combiné permettant de relier la ville catalane à la région parisienne et à l’Allemagne en 2019. Un investissement de 33 millions d’euros. Un partenariat public-privé est prévu, le premier en Espagne, pour financer ce projet d’autoroute ferroviaire. Le raccordement du port de Barcelone à l’axe ferroviaire remontant vers Perpignan devrait être livré fin 2015. Les gouvernements espagnol et catalan ont accordé une enveloppe de 108 millions d’euros pour la construction de 6 voies ferrées et de 2 gares de marchandises susceptibles de traiter entre 200 et 240 trains par jour.
En attendant l’ouverture de cette autoroute ferroviaire, TP Ferro, la société concessionnaire de la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) et fret reliant Perpignan à Figueras, via le col du Perthus avec le même écartement de voie international (UIC), permettra la circulation des trains de transport combiné entre les deux pays. Depuis 2010, cette filiale détenue par le consortium franco-espagnol BTP ACS, et le français Eiffage tente de développer une activité fret pour compenser la faiblesse du trafic voyageur à l’origine de ses difficultés financières actuelles.
L’axe ferroviaire par le col du Perthus séduit OFP Atlantique
Partisans du développement du report modal, l’OFP Atlantique et ses actionnaires les Grands Ports Maritimes de la façade Atlantique et Euro Cargo Rail,ont testé cet axe ferroviaire en lançant début 2015, un service de trains complets à destination du port de Barcelone. « Nous avons été les premiers à ouvrir cette voie aux trains complets hors transport combiné. Cette offre ferroviaire nous permettait de ne plus emprunter la ligne historique Perpignan-Barcelone en passant par Cerbère où il est nécessaire de changer les essieux des wagons. En nous appuyant sur les synergies entre plusieurs filiales du groupe Deutsche Bahn pour mettre en œuvre cette liaison entre Port Atlantique La Rochelle et l’Espagne,nous avions décidé de lancer 17 à 18 trains sur l’année vers le port de Barcelone pour un grand industriel français, fabricant d’huile minérale », explique Sébastien Marder, directeur général de l’OFP Atlantique. Avant d’ajouter : « Malheureusement, au final, nous n’avons pu opérer que trois trains à destination de Barcelone en empruntant cet itinéraire. Pour servir nos clients nous sommes revenus à l'itinéraire classique via Cerbère». Le développement de cette ligne est considérable mais bloquée pour des raisons de signalisation.
Le potentiel de développement de cette ligne est dans l’impasse
Les contraintes de la traction empêchent le développement de cette ligne. Le système ERTMS (European Rail Traffic Management System) est la signalisation du tunnel. Peu de locomotives en Europe en sont équipées. Lors de la conception du tunnel, les porteurs du projet ont en effet omis d’installer les systèmes de signalisation classiques les plus fréquents. Une erreur stratégique qui pénalise gravement le fret ferroviaire. De plus, la seule entreprise ferroviaire assurant la traction via cette ligne n’est dotée que de machines prévues à l’origine pour des trains de voyageurs qui ont reçu des modifications leur permettant un fonctionnement en ERTMS. « Elles doivent être toutefois utilisées, la plupart du temps, par paire à cause de leur faible effort de traction sur le 1500 V du réseau français. Face à toutes ces difficultés on est encore loin du compte. Seulement 30 trains de fret circulent sur cette ligne chaque semaine », estime un expert. A court terme, l’arrivée de nouveaux opérateurs privés dotés de machines équipées ERTMS permettrait le développement du trafic fret, en premier lieu pour le transport de voitures car l’Espagne est sur ce secteur de la construction automobile un des marchés les plus importants en Europe. Le report modal est souhaité par les transporteurs d’automobiles eux-mêmes. Cet été face au blocage répété des voies d’accès au tunnel sous la Manche par les migrants, les pièces détachées des industries automobiles espagnoles ont été envoyées par avion au Royaume Uni. Quand le passage aux frontières des trains de fret s’effectue par à-coups, c’est le fret ferroviaire qui souffre.
L’absence de solutions constituerait un échec politique franco-espagnol
Faute de réalisme politique et technique, avec une dette de 400 millions d’euros, TP Ferro, est en cessation de paiement depuis deux mois. L’entreprise a été placée sous administration judiciaire le 1er septembre dernier. Quelques que soit l’issue de cette procédure, et si l’on veut éviter un échec cuisant de la politique de transport entre la France et l’Espagne, les deux gouvernements se doivent de trouver rapidement des solutions