Autorité indépendante à part entière, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires (Araf), ne peut tolérer toute forme de concurrence dans ses fonctions. Or, la création, dans le cadre de la réforme ferroviaire du 4 août 2014, d’un « comité des opérateurs » auprès du gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau, pourrait menacer son rôle d’arbitre indépendant garant du respect de la concurrence.
Des risques d’atteinte au fonctionnement concurrentiel du secteur
Le comité est donc doté de pouvoirs de règlement amiable entre les parties prenantes, un rôle déjà assuré par le régulateur dans le cadre de certains différends. Dans un avis voté à l’unanimité le 27 mai dernier sur ce projet de décret, l’ARAF estime en effet, « qu’en l’état, le projet de texte ne permet donc pas à l’Autorité d’apprécier pleinement si les modalités de sa mise en œuvre sont les mieux adaptées, notamment pour garantir le respect du principe de non- discrimination dans la représentation des intérêts de l’ensemble des acteurs ». A ce titre, elle attire l’attention du Gouvernement sur « les risques d’atteinte au fonctionnement concurrentiel du secteur que peuvent engendrer les échanges d’informations entre membres du comité ». Elle rappelle aussi que « la mise en place d’un système de règlement amiable des différends devant le comité ne saurait empiéter sur la compétence générale de règlement des différends de l’Autorité ».
Des pouvoirs affaiblis
L’Araf est d’autant plus inquiète de ce nouveau décret qu’elle doit faire face à une remise en cause de ses compétences. Saisie mi-avril 2015 par le ministère chargé des transports sur le projet de décret d’application de la réforme ferroviaire du 4 août 2014 portant sur son organisation et son fonctionnement, le gendarme du transport ferroviaire a émis un avis défavorable le 19 mai dernier. Dans ses grandes lignes, Dans une interview accordée à Ville Rail et Transports, le 25 mai dernier, Pierre Cardo, président de l’Araf, s’oppose à ce projet qui, dans ses grandes lignes, redéfinit la façon de présenter l’activité de l’Araf, les modalités de consultation du gouvernement avant de rendre ses décisions, avis ou recommandations, et lui impose des délais de deux mois pour l’adoption de ses avis. « Le décret définit comment écrire mon rapport d’activité. En fait, on veut m’expliquer comment faire mon boulot ! Est-ce tolérable pour une autorité publique indépendante?», déclare-t-il tout en soulignant toute l’importance de préserver l’indépendance de l’Araf : « L’Europe a accepté la réforme ferroviaire française dans toute sa complexité à la condition que le régulateur soit renforcé dans ses moyens et dans son indépendance. Je défends les intérêts de l’Etat. Et je suis le premier à me réjouir que la France ait un champion national. Mais il faut respecter les règles. C’est le rôle du régulateur d’être le poil à gratter. » Dans son avis, l’Araf n’hésite d’ailleurs pas à rappeler « qu’en tant qu’autorité publique indépendante, elle est compétente pour présenter son activité de régulateur dans l’ensemble de ses composantes (conditions d’accès et utilisation du réseau ferré, situation de la concurrence ferroviaire, investigations, instruction des réclamations, effets de ses décisions, etc.) ». Et Pierre Cardo de conclure : « On me demande de répondre dans un délai de deux mois maximum pour rendre un avis, faute de quoi l’avis est supposé favorable. Ce principe est inapproprié pour un régulateur. »