Depuis l'avis défavorable de la commission d'enquête publique sur la LGV Bordeaux-Toulouse, défenseurs et opposants montent au créneau pour défendre leurs positions.
La mobilisation bat son plein. Tant du côté des défenseurs que des opposants au projet des lignes à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, les élus sont bien décidés à se faire entendre face au gouvernement qui doit se prononcer « avant la fin de l’été » sur l’avenir de ce projet.
Pour les uns, la LGV est vitale pour le développement économique de la région. «Ne pas vouloir de la LGV, c'est se refermer sur soi, c'est faire du nationalisme !», a martelé Alain Rousset, président de la région Aquitaine lors d'une réunion avec le monde économique d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées le 7 mai dernier à l'hôtel de région.A ses côtés, Martin Malvy, son homologue de Midi-Pyrénées a renouvelé son soutien au projet : « Je n'imagine pas Bordeaux à 2 heures de Paris, Montpellier, Nîmes et Béziers à 3 heures de Paris, et Toulouse à la traîne, à 4 h 30 de la capitale, surtout à l'heure de la nouvelle grande Région que nous allons constituer avec Languedoc-Roussillon. »
Un coût trop onéreux selon les opposants à la LGV
Les opposants, essentiellement girondins, lot-et-garonnais et basques, campent sur leurs positions : la priorité devrait, selon eux, porter sur la modernisation de la ligne existante. Réunis également le 7 mai devant l'Hôtel de région à Bordeaux, une cinquantaine d'élus locaux, d'écologistes, d'agriculteurs ont dénoncé ce projet qu'ils jugent «inutile» et «ruineux». D’autant plus que la Commission d'enquête publique qui a rendu, il y a quinze jours, un avis négatif surla prolongation de la LGV vers Toulouse et vers la Côte basque ainsi que sur le TGV espagnol en chantier, penche en leur faveur.Celle-ci estime que ce projet d'infrastructure est lourd -le coût est estimé à 8,3 milliards d'euros- pour un service non garanti qui favorisera, de surcroît, la métropolisation au détriment des villes moyennes et des zones rurales.Elle considère aussi que les alternatives à la grande vitesse ont été insuffisamment explorées.
« Aujourd'hui, ce sont 9 000 camions qui circulent chaque jour entre Bordeaux et l'Espagne. La LGV doit permettre de réduire ce fret routier, de même qu'elle permettra de développer l'économie de nos régions. Le Grand Sud-Ouest ne peut pas rester le chaînon manquant de la grande vitesse ferroviaire en Europe», rétorque Alain Rousset qui entend bien «mettre le gouvernement face à ses responsabilités ».
La rentabilité de la LGV Bordeaux- Toulouse mise en cause
Reste que l'incertitude sur la fréquence des TGV entre Paris et Bordeaux pèse sur la logique économique de la ligne. Le président de Lisea, Laurent Cavrois, la société qui construit et exploitera la ligne, dit « ne pas avoir la clé ». « On saura cet été », a-t-il ajouté, précisant que les négociations avec la SNCF sont toujours en cours. A ce stade, les fréquences proposées par l’opérateur historique se traduiraient par un passage de 20 à 17 du nombre de liaisons quotidiennes mais avec une augmentation (de 10 à 13) des TGV directs. Cette proposition « ne nous convient pas, et nous sommes loin de vraies navettes comme il en existe à Lyon et Lille », a déploré Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole.Martin Malvy a, pour sa part, rappelé que Midi Pyrénées s'était engagé à hauteur de 280 millions d'euros sur la desserte Tours-Bordeaux. «On estime entre 2 et 3 millions de voyageurs par an le nombre de voyageurs supplémentaires en provenance de Toulouse sur ce même tronçon. Soit plus de 200 millions de recettes pour la SNCF », a précisé le président de la région Midi-Pyrénées.
Un financement loin d’être bouclé
Sur l’enveloppe de 7,8 milliards d'euros prévue pour le chantier, l'Europe, l'Etat ainsi que les 58 collectivités locales impliquées dans le projet doivent garantir quelque 3 milliards d’euros. Or, L'Etat, qui ne peut plus compter sur les recettes de l'écotaxe poids lourds, est à la traîne. Et seules 34 des 58 collectivités locales qui ont accepté de participer, peinent à tenir leurs engagements. C'est notamment le cas du Conseil général des Pyrénées-Atlantiques qui, après avoir versé 30,9 millions d'euros, a décidé d’interrompre ses versements depuis septembre 2013 en raison des incertitudes sur la réalisation du tronçon Bordeaux – Espagne et du report de toute modernisation de la desserte du Béarn et de la Bigorre. Fin 2014, une dizaine seulement de collectivités tenaient encore leurs engagements.
Dans ce contexte plus qu’incertain, une question revient sur toutes les lèvres : comment boucler le financement de la LGV alors que la construction de la ligne dépend d’un partenariat public-privé. Le gestionnaire des infrastructures SNCF Réseau est censé verser l'argent des subventions de l’Etat à Lisea, en les collectant auprès des collectivités.