La présidence italienne du Conseil européen va-t-elle favoriser l’adoption du quatrième paquet ferroviaire ?
Le quatrième paquet ferroviaire est la priorité numéro un de la présidence italienne en matière de transports et, dans cet ensemble législatif de six textes, celle-ci entend se focaliser sur l’ouverture à la concurrence. Au départ, les Italiens pensaient s’attaquer d’abord aux questions de gouvernance mais ils ont revu leur stratégie et c’est l’ensemble des six textes qui sera sur la table.
En septembre-octobre, les négociations sur le volet technique (sécurité, interopérabilité, Agence ferroviaire européenne) du quatrième paquet vont commencer dans le cadre du trilogue qui est, en fait, un processus de entre le Conseil et le Parlement animé par la Commission européenne. Le texte sur lequel vont s’engager les discussions est celui qui a été adopté le 26 février dernier en première lecture par le Parlement réuni en séance plénière. Il est raisonnablement possible d’obtenir un accord sur les questions techniques pour la fin de l’année. Tout dépendra de l’énergie de la Présidence du Conseil à trouver un consensus.
Sur le volet technique de ce paquet, que reste-t-il à mettre au point ?
Il reste à s’entendre sur la définition exacte du périmètre d’intervention de l’Agence ferroviaire européenne (ERA, European Railway Agency) appelée à devenir un outil majeur de l’harmonisation ferroviaire de l’Union en tant qu’autorité régulatrice européenne de sécurité ferroviaire. Un nouveau directeur sera nommé par le conseil d’administration le 30 septembre prochain. Il disposera rapidement de nouvelles attributions.
Le futur débat portera sur le fait de savoir si les régulateurs nationaux vont intervenir simplement en appui de l’ERA ou bien garder des compétences exécutives. Il ressort du texte adopté par le Parlement que l’ERA attribuera les certificats de sécurité ainsi que les autorisations de mise sur le marché. Le rôle des agences nationales sera complémentaire. Elles conserveront l’attribution des certificats de mise en service des matériels, ce qui peut se comprendre puisque cette mise en service est autorisée au niveau de chaque territoire national. Cependant, certains pays membres souhaitent que, durant la période de transition, l’attribution des certificats de sécurité soit « sous-traitée » aux agences nationales.
Un point reste à mon avis préoccupant, c’est le financement de la montée en puissance de l’ERA. La direction générale du budget de la Commission européenne n’a accordé aucun budget supplémentaire à l’Agence ferroviaire européenne en 2015. C’est un vrai problème. Il y a inadéquation entre les recommandations financières des parlementaires de la commission Transports et les moyens alloués par la Commission européenne. Ces questions feront l’objet des prochaines discussions au sein du trilogue.
Quant à l’interopérabilité, plusieurs points sont désormais acquis : la mise en place du système européen de surveillance du trafic ferroviaire (ERTMS) devient obligatoire ; les agences nationales de sécurité sont sous contrôle européen ; il y aura un pilotage européen dans le domaine de la recherche ferroviaire ; il y aura enfin une normalisation effective de toutes les pièces détachées ferroviaires touchant aussi bien le matériel roulant, le signal-système que l’infrastructure.
Voyez-vous rapidement aboutir le volet politique ?
Avant d’envisager le trilogue sur les trois textes concernant la gouvernance ferroviaire et l’ouverture à la concurrence, il faut d’abord dégager une position commune du conseil des ministres. Premier rendez-vous : le conseil des transports informel du 5 septembre. Une fois réalisé le consensus au niveau du conseil – ou un vote à la majorité qualifié s’il n’y a pas unanimité – le comité des représentants permanents des Etats-membres (Coreper) en tirera un projet rectifié. Les négociations avec le Parlement pourront alors commencer.
Les discussions se focaliseront sur deux sujets. D’abord, l’ouverture à la concurrence du transport conventionné de voyageurs (trains régionaux). Dans quelle proportion et à quelles conditions l’attribution des concessions de service public pourra-t-elle continuer à se faire de gré à gré lorsque les procédures d’appel d’offres seront devenues la règle de droit commun ? Quelle sera la date butoir pour rendre obligatoire cette ouverture à la concurrence ? Quelle sera la longueur et la nature de la période de transition ?
Ensuite, les discussions se poursuivront sur le principe de réciprocité (possibilité pour un Etat-membre de refuser l’accès à son marché à un opérateur historique ou à ses filiales quand leur propre marché domestique est ouvert à moins de 50%). Un vote qui risque fort d’isoler la France, peu favorable à l’ouverture à la concurrence ferroviaire sur son territoire mais prompte à défendre les activités à l’international de la SNCF et de ses filiales. Reste le principe de réalité : en matière de transports, les Etats-membres ne disposent d’aucun droit de véto…
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