Avec la présentation par la Commission européenne, le 30 janvier dernier, du « 4e paquet ferroviaire » et l’annonce, le 30 octobre 2012, du projet de réforme du système ferroviaire français par Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux Transports, il est nécessaire de faire le point sur l’ouverture du transport ferroviaire dans l’Hexagone. Disons-le tout de suite : aux yeux de l’Association française du rail, qui regroupe la plupart des nouveaux entrants de ce secteur d’activité, la situation est plutôt encourageante dans le domaine du transport de marchandises mais les orientations actuelles, défendues en matière de transport des voyageurs – conduisent à plus de réserve.
Le transport des marchandises tout d’abord.
Les nouveaux entrants en sont convaincus : le potentiel de développement du secteur du fret ferroviaire est indéniable non seulement en France mais également dans toute l’Europe. Certes, au sein de la SNCF, cette activité s’est notablement réduite.
Mais la bonne nouvelle est que les entreprises concurrentes de l’opérateur historique implantées sur le territoire français ont réalisé depuis 2006 un montant total d’investissements de 570 millions d’euros, embauché plus de 1 500 salariés et acquis une part du marché du fret en France supérieure à 20%. Soit un peu plus de 7 milliards de tonnes/kilomètres en 2012. Autre indicateur significatif : pour la première fois depuis son entrée sur ce marché il y a six ans, Euro Cargo Rail annoncera prochainement des résultats financiers équilibrés au titre de l’exercice 2012.
Le savoir-faire de toutes ces entreprises explique sans aucun doute ce dynamisme. Année après année, elles ont démontré leur capacité à améliorer la qualité des services offerts à leurs clients tout en réalisant des gains importants de productivité. Elles ont su réinventer le métier du fret ferroviaire dans notre pays en s’inspirant des solutions mises en place dans les pays européens où elles sont également présentes et où elles ont enregistré des résultats bénéficiaires. C’est le cas de EWS, filiale de DB Schenker, et de GB Rail Freight, la filiale d’Eurotunnel au Royaume-Uni. De même, en adoptant un mode d’organisation calqué sur celui des nouveaux entrants, la société VFLI, la filiale fret de droit privé du groupe SNCF créée en 1998, affiche depuis 2011 des résultats financiers positifs. Un contraste saisissant avec le déficit cumulé de plus de 2,8 milliards d’euros pour la période 2006-2011 de Fret SNCF.
En revanche, le tableau est nettement moins favorable en ce qui concerne le transport ferroviaire des voyageurs.
En effet, le Ministre des transports parle désormais d’un « horizon 2019 », voire 2023, pour l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs dans les régions. En outre, le gouvernement n’a toujours pas ouvert à la concurrence des trains d’équilibre du territoire (TET), ce qui avait été pourtant annoncé lors des Assises du ferroviaire. Cet état de fait n’encourage pas les régions à ouvrir le marché des trains express régionaux (TER) alors que la situation des finances publiques est de plus en plus difficile. Les exemples européens démontrent pourtant que l’introduction de la concurrence régulée dans le transport ferroviaire des voyageurs améliore la qualité du service offert à la clientèle et se traduit par des économies sur les coûts d’exploitation. Une réelle opportunité à saisir au moment où l’Etat a décidé de réduire le montant de ses dotations financières aux collectivités locales.
L’Association française du rail ne peut se satisfaire de la situation actuelle. Car elle considère que l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire des voyageurs ne saurait se limiter aux seuls trains de nuit exploités par Thello entre la France et l’Italie qui reste symbolique avec 300 000 passagers/kilomètre l’an dernier.
Enfin, la volonté du gouvernement de créer un cadre social harmonisé commun à toutes les entreprises ferroviaires,
tant dans le fret que dans le transport des voyageurs, pose un certain nombre de questions. L’Association française du rail est favorable à l’élaboration d’un cadre social modernisé à l’ensemble des entreprises ferroviaires. L’AFRA en appelle à la négociation et à la responsabilité de chacun pour maintenir dans le fret la compétitivité du rail face à la route. C’est un enjeu national, à la fois pour l’emploi et le respect de l’environnement. Pour les voyageurs, il s’agit de permettre, par l’ouverture à la concurrence, d’obtenir une meilleure qualité de service, une réduction des charges des Collectivités, dans le respect absolu la sécurité ferroviaire.
L’Association française du rail demande l’organisation, dans les meilleurs délais, une réunion de tous les acteurs du secteur afin qu’ils puissent préciser ensemble les conditions techniques d’accès des nouveaux entrants au transport voyageur ferroviaire dans un calendrier contraint. L’objectif est de construire en France un système ferroviaire véritablement compétitif qui viendra s’insérer au cœur d’une Europe dont le développement est conditionné par la mobilité accrue des personnes et des marchandises.