Pourriez-vous nous présenter l’activité de Transdev, plus particulièrement dans le domaine ferroviaire ?
Transdev est un opérateur de mobilité multimodal présent dans 19 pays. L’activité de transport ferroviaire y occupe une place significative puisqu’elle pèse environ 10% du chiffre d’affaires du groupe (660 M€ hors péages) et est exercée dans 6 pays dont l’Allemagne où nous opérons 18 contrats régionaux correspondant à 6% du marché, la Suède où nous assurons des liaisons de proximité comme de longue distance mais aussi la France. Ainsi, sur le RFN, Transdev exploite, en partenariat avec SNCF Mobilités et SNCF Réseau les lignes Guingamp-Carhaix et Guingamp-Paimpol du réseau TER Bretagne. De même, par l’intermédiaire de sa filiale Solea, Transdev est, aux côtés de SNCF Mobilités, co-exploitant en Alsace du tram-train de la Vallée de la Thur.
Quelles sont les ambitions de Transdev dans la perspective de l’ouverture à la concurrence sur le secteur voyageurs en France ?
Même si elles ne sont pas exclusives, les activités de service public au service des collectivités territoriales constituent l’ADN de Transdev. C’est donc logiquement que nos ambitions ferroviaires en France portent sur l’exploitation de services conventionnés de type TER ou TET. Le principe de l’ouverture à la concurrence et son calendrier sont maintenant actés à l’échelon européen et n’attendent plus que leur transposition nationale. La récente acceptation par l’Etat, à l’initiative des régions, du lancement d’expérimentations trace une perspective encore plus précise de l’ouverture du marché régional. Il revient maintenant à tous les acteurs ferroviaires, et donc à Transdev, d’en préparer la mise en œuvre pour faire de la période qui s’ouvre le laboratoire opérationnel de l’ouverture.
Considérez-vous que le système ferroviaire français issu de la réforme est optimal pour accueillir des nouveaux entrants ?
Le système français est euro-compatible. Pour autant, le regroupement dans un seul et même ensemble constitué par le Groupe Public Ferroviaire des activités de gestionnaire d’infrastructure, d’entreprise ferroviaire, d’exploitant de gares, voire même de promoteur immobilier fait clairement craindre une confusion des genres entre ces différentes missions. A cet égard, la taille et l’étendue des domaines d’intervention de l’EPIC de tête, qui devait pourtant être « léger », laissent perplexe. Est-il de plus normal qu’y soient logées certaines fonctions transversales sensibles tel que le juridique ?
S’agissant d’aspects plus opérationnels, la proximité entre SNCF Mobilités et SNCF Réseau est très forte et de nombreux points restent à régler avant de pouvoir considérer que le système ferroviaire est transparent et exempt de tout risque de discrimination ou de barrière à l’entrée : le statut de gares (à travers notamment l’indispensable sortie de Gares et Connexions du périmètre de SNCF Mobilités), celui des ateliers de maintenance, etc.
Si je partage les conclusions du rapport des députés Gilles Savary et Bertrand Pancher paru fin octobre sur le bilan de la réforme ferroviaire, je souhaite plus de transparence. A mes yeux, la réforme ferroviaire n’est donc pas totalement aboutie et reste encore, sur de nombreux points, à adapter ou à compléter. C’est à ce prix que l’accueil des nouveaux entrants pourra être considéré comme réellement optimal.
Qu’attendez-vous de SNCF Réseau en tant que potentiel nouvel entrant sur le RFN ?
Mes attentes sont très simples et représentatives de ce que toute EF peut demander à un GI :
– une indépendance totale dans l’accès au réseau,
– une procédure d’allocation des sillons efficace et réactive,
– l’attribution de sillons performants et robustes,
– des infrastructures modernisées,
– une gestion de la maintenance adaptée aux contraintes d’exploitation du service public tant en termes de programmation que de réalisation,
– une tarification équilibrée, soutenable et pérenne,
– plus largement, la mise en œuvre d’une relation commerciale partenariale et transparente avec les EF.
Sans surprise, ces attentes gravitent toutes autour des impératifs de performance opérationnelle, d’efficacité, de prévisibilité et, élément cardinal, d’égal accès au réseau. Un degré élevé d’exigence sur ces points doit être compris comme le signe d’un engagement fort de Transdev en faveur du mode ferroviaire.
Plus largement, quelle est votre perception du transport ferroviaire en France et de son évolution ?
En France, le ferroviaire est aujourd’hui à la croisée des chemins. Mais, si sa situation est préoccupante, elle n’est pas pour autant désespérée. Certes, l’endettement du système ne montre pas de signe de résorption, l’inflation ferroviaire ne semble pas maîtrisée, l’état de l’infrastructure est fragile, les autorités organisatrices sont sous tension financière, la concurrence intermodale est exacerbée et l’offre de transport se trouve menacée d’attrition (trains express régionaux, trains Intercités de nuit mais aussi de jour, voire même TGV).
Néanmoins, à la condition bien entendu que l’Etat exerce réellement son rôle de stratège et en assume les conséquences financières – le récent rapport gouvernemental sur la dette de SNCF Réseau laisse malheureusement perplexe sur ce point -, des axes de progrès et donc des solutions existent. En ce sens, la signature attendue du contrat de performance Etat-SNCF Réseau doit fournir au GI la trajectoire financière qui lui fait défaut, le potentiel du rail et ses qualités intrinsèques peuvent être exploités de manière optimisée, le recours à des méthodes alternatives d’exploitation mais aussi de maintenance est de nature à réduire les charges de fonctionnement des services de transport et les coûts d’entretien du réseau, notamment capillaire.
Il existe donc bien des leviers de nature à replacer le rail dans un cercle vertueux de développement de l’offre (et donc de croissance des péages perçus par SNCF Réseau !) et du trafic. L’ouverture à la concurrence est clairement l’un de ces leviers. Il faut comme en médecine expérimenter, sans plus tarder, pour mettre en évidence des liens de cause à effet.
En tant que président de l’AFRA, quel sera votre rôle dans le cadre des expérimentations évoquées pour le voyageur ?
C’est un fait, le système ferroviaire est malade. Question de moyens, naturellement. Question de mode de fonctionnement également. Le système est trop lourd, trop coûteux, trop centralisé. Il faut l’aider à se réformer par des apports nouveaux et que les apports acquis à l’international servent la nation. Il n’existe pas une infinité de solutions : il faut remplacer les mauvaises habitudes encouragées par la situation de monopole par une ouverture raisonnée qui permettra à chacun de s’exprimer et aux Autorités Organisatrices de dégager des marges budgétaires qui pourront être affectées à plus de transport et mieux de transport. Je m’emploie donc à favoriser l’ouverture du ferroviaire à la concurrence car c’est l’oxygène dont le système transport a besoin.
Concrètement,comment faites-vous ?
Je m’emploie à instaurer une culture de la coopération. Il est nécessaire de trouver des partenariats. Je travaille avec les autres acteurs qui partagent le même objectif : dynamiser le service public et le rendre plus performants pour donner plus avec les moyens alloués par les régions : plus de sécurité, plus de fiabilité, plus de qualité au quotidien. Il faut briser les tabous et ne pas nier les conclusions irrécusables. Il faut du dialogue, beaucoup de dialogue, j’y consacre beaucoup de temps. Il est temps que les différents responsables et acteurs du système ferroviaire parviennent à un diagnostic commun et surtout acceptent d’en tirer les enseignements pour l’avenir.
Considérez-vous que l’ouverture du fret est un atout pour l’ouverture du voyageur ?
Les faits sont incontestables si on les examine sereinement. L’ouverture du fret est un succès. Les nouveaux entrants qui occupent désormais une part de marché de 20% du fret ferroviaire en France réalisent un volume significatif de leur activité grâce au transfert modal vers le rail d’un certain nombre de trafics assurés auparavant par la route
Cela dit, il est vrai que cette réussite aurait pu être plus grande si cette ouverture avait été préparée. Il nous appartient donc préparer l’ouverture du voyageur. Il faut aider l’opérateur historique à se réformer et à se réconcilier avec les usagers du service public. Il ne faut pas se contenter d’assister passivement au délitement du système ferroviaire mais bien de créer une nouvelle dynamique. Il faut faire cause commune pour renouer avec un système ferroviaire performant tant pour le régional que pour la grande distance. Tous les membres adhérents de l’AFRA s’y emploient.