Quelles sont les évolutions significatives constatées en termes de sécurité ferroviaire au cours de l’année 2011 ?
Évalué en nombre de tués ou de blessés graves, le bilan de la sécurité ferroviaire concernant les accidents de personnes accuse une certaine dégradation pour l’année 2011 : 141 victimes au total dont 88 morts. Il faut malheureusement noter que l’essentiel de la hausse provient d’accidents liés à l’imprudence des victimes elles-mêmes, c’est-à-dire à leur présence inopportune sur les voies, soit lors du franchissement abusif d’un passage à niveau, soit lors d’une traversée non autorisée des rails en ville ou à la campagne.
Si l’on regarde maintenant le nombre des incidents ferroviaires qui entre plus directement dans le champ de responsabilité de l’EPSF, on enregistre une nouvelle tendance à la baisse comparable à celle des années précédentes. Entre les collisions, les déraillements, les incendies, les ruptures de rails, les défaillances de signalisation, les franchissements de signaux fermés et les ruptures de roues ou d’essieux… qui ont provoqué – ou auraient pu provoquer – un accident significatif, on en a répertorié en 2011 un total proche de 2 000. La valeur de l’indicateur communautaire reste 0,3 accident significatif par million de train-km effectué sur le réseau ferré français. Un chiffre relativement stable par rapport aux exercices antérieurs et en forte baisse avec ce que l’on constatait lors des précédentes décennies.
Aujourd’hui, en fait, les points de vigilance de notre établissement concernent plus spécialement deux domaines : le niveau d’entretien des wagons qui circulent sur le réseau ferré français et les répercussions sur la sécurité de la multiplication du nombre de chantiers sur le réseau.
Que pensez-vous des projets de réforme de la réglementation relative à la sécurité ferroviaire en France ?
Créé il y a un peu plus de cinq ans, l’Établissement public de sécurité ferroviaire est une institution jeune qui a trouvé sa place au sein du système ferroviaire français. Conformément à la directive 2004/49/CE de l’Union européenne, il est chargé de contrôler le respect par l’ensemble des opérateurs des règles relatives à la sécurité et à l’interopérabilité sur le réseau ferré national. C’est en revanche à l’État de fixer le niveau de ses exigences et la manière de les atteindre tandis que les entreprises ferroviaires, de leur côté, ont l’obligation de se fixer des règles de fonctionnement interne qui permettent d’y répondre. La sécurité du trafic ferroviaire en France repose donc depuis 2006 sur un principe de responsabilité de chacun des acteurs. C’est ce principe qui a été clairement affiché par l’arrêté du 19 mars 2012, là où jusqu’à présent la « réglementarisation » en 2003 de textes établis par la SNCF adaptés à l’organisation propre de celle-ci, pouvait introduire une certaine confusion sur les responsabilités relatives à la sécurité entre l’État, le gestionnaire d’infrastructure et les entreprises ferroviaires. Il nous est alors demandé de piloter un travail indispensable de simplification et de révision de ce corpus de règles pour formuler des « bonnes pratiques » applicables par tous. L’État nous a fixé un délai de trois ans pour aboutir. Nous avons déjà constitué un certain nombre de groupes de travail sur ce sujet. Il faudra en effet examiner près de 3 000 pages réparties en une trentaine de familles de textes.
À cet égard, il faut noter que l’ARAF a exprimé le souhait que nous réfléchissions à introduire davantage de fluidité dans les procédures d’autorisation et de certificats de sécurité
L’association du secteur au travail et à la réflexion en amont, sur la réglementation proprement dite, comme sur les bonnes pratiques (« les référentiels ») ou les modalités d’instruction (mise au point des guides) est désormais une facette essentielle de notre activité.
Êtes-vous favorable à la création, comme certains, l’envisagent, d’une instance unique de contrôle de la sécurité ferroviaire au sein de l’Union européenne ?
Il est certain que le niveau de la sécurité ferroviaire, s’il est bon partout en l’Europe, reste aujourd’hui hétérogène. Mesuré à l’aune des indicateurs de sécurité communs définis par la Commission européenne, il se situe dans un rapport de 1 pour la Norvège, le pays le plus sûr, à 40 pour certains pays baltes (2,5 pour la France) et je comprends la tentation de la Commission de vouloir remédier à cet état de fait à l’occasion des discussions relatives au 4e paquet ferroviaire. Mais je ne suis pas certain que l’existence d’une instance unique de contrôle soit la bonne solution. En effet, à mon sens, ces écarts trouvent leur origine plus dans les différences d’équipement et de fréquentation entre réseaux que dans les différences de rigueur des opérateurs. : ni l’Union européenne ni les États membres ne disposent actuellement des ressources financières que la « mise à niveau » au meilleur standard supposerait.
Mais surtout, à la différence du transport aérien qui est par nature international, le transport ferroviaire est, lui, majoritairement régional, voire local. Ainsi, la langue utilisée sur un réseau pour l’ensemble des règles et les communications de sécurité est la langue nationale. Telle est la raison pour laquelle il est préférable, me semble-t-il, que l’essentiel des contrôles s’effectue au niveau national. Bien entendu, cela ne remet pas en cause l’existence de l’ERA qui devra continuer, comme c’est le cas aujourd’hui, à définir un certain nombre de règles harmonisées de sécurité ferroviaire auxquels les instances nationales devront se conformer et à conseiller la Commission en la matière et à mon sens développer son action d’explicitation et de mise en commun des retours d’expérience.