Alexander Hedderich, CEO de DB Schenker Rail, premier opérateur européen de fret ferroviaire

15 octobre 2014 | Actualités du ferroviaire

Quelle est la situation du fret et votre stratégie en Europe ?

Contrairement au secteur des voyageurs, le marché du fret ferroviaire est européen. DB Schenker Rail n’est pas une entreprise allemande mais avant tout une entreprise européenne dont les deux tiers des trafics passent au moins une fois la frontière.

Sur le continent, il faut distinguer les pays de l’Est dont la part modale du ferroviaire dans le transport reste importante (28%). Il y a ensuite l’Europe centrale, avec le principal corridor Scandinavie, Pays-Bas, Allemagne et le Nord de l’Italie où l’activité du fret ferroviaire se développe pour atteindre environ 18% de part modale. Puis l’Europe de l’Ouest (France, Espagne) où la part modale du fret est assez faible (10%) et a tendance à décliner mais où DB Schenker Rail voit encore des opportunités de croissance. Enfin, le cas du Royaume-Uni : le marché domestique y constitue 95% de l’activité. La part modale du fret ferroviaire remonte (12%). Notre filiale DB Schenker Rail UK détient 50% de part de marché.

En résumé, le marché du fret européen se divise en deux parties. D’un côté, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse : leur gestion du réseau est réactive. L’offre de service est adaptée à la demande. La tarification et la réglementation sont prévisibles. D’autres pays, comme la France et l’Espagne où l’influence de l’Etat est forte, n’offrent pas la même stabilité sur le plan de la tarification et de l’attribution des sillons.

Une politique européenne commune de gestion des infrastructures est donc nécessaire. Dans ce contexte, notre stratégie consiste à passer « du patchwork au network (réseau) » de façon à satisfaire au mieux nos clients avec une offre adaptée. Pour cela, DB Schenker Rail a investi 200 M€ dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans ses filiales en Europe pour construire un véritable réseau. L’objectif est d’avoir une stratégie commune entre nos différentes filiales et de faire de DB Schenker le premier groupe intégré sur le marché européen du transport de fret ferroviaire.

Quelles sont les forces et les faiblesses du marché allemand du fret ferroviaire ?

Nous avons dégagé l’an dernier 57 millions d’euros de profit en Europe. Le profit est indispensable pour garantir nos futurs développements. Je vous rappelle que le marché allemand est fortement concurrentiel. Les clients ont le choix entre 3-5 opérateurs pour chaque appel d’offre et si la part de marché de DB Schenker Rail est de 67% en Allemagne, il existe 300 entreprises de fret ferroviaire dont 15 à 20 atteignent une taille critique.

Depuis 15 ans, cette concurrence nous a constamment poussés à améliorer notre performance et à nous adapter au mieux aux exigences au marché. Mais aujourd’hui nous rencontrons des contraintes en Allemagne. La question de la pollution sonore par exemple nous a ainsi obligé à investir 230 M€ dans du matériel plus silencieux. Cela accroît les coûts qui, par ailleurs, ne cessent de monter avec les nouvelles orientations de la politique énergétique en Allemagne. L’abandon du nucléaire et le choix des énergies renouvelables ont un impact financier direct sur le fret ferroviaire. Le prix de l’électricité connaît une progression à deux chiffres ! C’est donc une préoccupation pour l’entreprise au moment où le réseau a besoin d’investissements.

Comment assurer la compétitivité du fret ferroviaire en France ?

Notre filiale française Euro Cargo Rail est l’entreprise de fret ferroviaire en Europe qui connaît la plus forte croissance. Elle était bénéficiaire ces deux dernières années – 2012 et 2013 – et a su démontrer que le fret ferroviaire peut être rentable en France. Mais quand on grandit vite, on doit investir beaucoup. Aujourd’hui l’enjeu est d’adapter l’organisation de l’entreprise à sa croissance.

Ce qui m’inquiète c’est que, en France comme dans d’autres pays, on voudrait conserver dans le ferroviaire des conditions sociales identiques à celles de la fonction publique. Avec un tel système, l’industrie du fret ferroviaire ne peut se développer et être compétitive. Il faut donc un système d’organisation du travail flexible et orienté vers le marché, c’est-à-dire, adapté au besoin du client. Que l’on négocie des conventions collectives ou des accords d’entreprise, peu importe. Il ne s’agit pas de faire du dumping social mais de créer des normes sociales nouvelles et équitables qui seront compatibles avec les exigences du marché. Il n’y a pas d’autres alternatives, si nous souhaitons donner un futur au fret ferroviaire en France.

Crédits photo : Max Lautenschläger.

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