Réunis en séance plénière le 26 février, le Parlement européen a adopté un certain nombre d’amendements qui modifient substantiellement l’esprit des futures directives et règlements du quatrième paquet ferroviaire dont l’adoption définitive n’est pas attendue avant 2015.
Le changement le plus marquant concerne la gouvernance des systèmes ferroviaires. La Commission européenne, qui n’a jamais caché sa préférence pour une complète indépendance entre opérateur et gestionnaire du réseau, tolère cependant les systèmes intégrés en holding (sur le modèle de la Deutsche Bahn en Allemagne ou le projet de réforme ferroviaire en France) à la condition qu’ils organisent une stricte indépendance juridique, stratégique et financière entre l’opérateur ferroviaire historique et le gestionnaire du réseau. Ce que l’on a appelé une « muraille de Chine ». Or, selon l’eurodéputé français du PPE Dominique Riquet, fervent partisan de cette indépendance stricte, « la muraille de Chine a été sévèrement remise en cause par une succession d’amendements déposés par des coalitions de parlementaires allemands, français, italiens et polonais ».
Ainsi, la holding de tête d’un groupe intégré peut désormais participer à la prise de décisions stratégiques visant à définir des orientations pour l’ensemble des acteurs du ferroviaire (amendement 108, 12 quater). Ce qui, note Dominique Riquet, « est une première menace à l’indépendance entre opérateur et gestionnaire de réseau ». Ensuite, un amendement supprime les strictes conditions encadrant les transferts de personnels entre les entreprises des groupes intégrés (amendement 124, art 7 ter). Enfin, des flux financiers horizontaux (entre les sociétés du groupe) ne sont désormais plus prohibés (amendement 110, 12 sexies et amendement 123 point 3), ce qui relativise l’indépendance financière entre les sociétés des groupes intégrés. Des dispositions qui sont de nature à rendre caducs les éventuels recours exercés à l’encontre des groupes publics intégrés pour entorse à la concurrence.
Par ailleurs, dans un souci de pousser à l’ouverture à la concurrence du transport national de voyageurs dans les pays qui ne l’autorisent toujours pas (comme la France), un amendement prévoit la possibilité de refuser l’accès au marché d’un opérateur historique ou de ses filiales originaires d’un pays où moins de 50% du marché est ouvert. Pour Dominique Riquet, « cette disposition pourrait, le cas échéant, s’appliquer à Keolis, filiale de la SNCF, qui est le troisième opérateur privé sur le marché allemand ».
Enfin, les dates limites pour l’ouverture à la concurrence ont été confirmées par les eurodéputés : fin 2019 pour les lignes commerciales et fin 2022 pour les lignes conventionnées soumises à des obligations de service public (OSP). Les attributions directes (sans appel d’offre) continueront à être autorisées après cette date mais dans des conditions strictement définies.
A l’issue de ce vote en plénière au Parlement européen tout reste à faire. Les tractations vont se poursuivre entre le conseil des Ministres, le Parlement européen et la Commission durant l’actuelle présidence grecque. Le renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne en 2014 peut encore rebattre les cartes.